Lundi, une peine exemplaire de prison de trois ans ferme a été requise au Tribunal de grande instance de Bordeaux contre Michel Basset, un négociant qui avait commercialisé pendant plusieurs années des vins en primeurs sans avoir les allocations ni les stocks nécessaires.
Trois ans après le dépôt de bilan de sa société, Vins et Patrimoine de France (VPF), Michel Basset était jugé pour avoir poussé à l'extrême le système de ventes à découvert avec les plus grands crus comme Cheval blanc ou Lafite Rothschild, privant une centaine de clients des vins qu'ils avaient payés d'avance. Alléchés par des annonces dans la presse spécialisée, certains amateurs ont dépensé 80.000 euros et n'ont jamais vu la moindre bouteille. L'escroquerie a fait une centaine de victimes et laisse un passif de plus de 2 millions d'euros. La même pratique a conduit en avril dernier à la mise en liquidation de la Compagnie des vins de Bordeaux (CVB) qui a lésé, là encore, plusieurs dizaines d'acheteurs en laissant plusieurs millions d'euros de passif. Pour Max de Lestapie, le président du syndicat des courtiers, les deux affaires sont "marginales", compte tenu de "l'importance relative" des deux maisons concernées. Cependant, selon lui, il en découle un "impact négatif sur l'image de Bordeaux". Négociants et courtiers interviennent dans les ventes en primeurs, système unique en France qui "repose entièrement sur la confiance", comme l'a souligné Me Frédéric Biais lors du procès de VPF. A l'audience, l'avocat du syndicat des négociants, partie civiles aux côtés des clients malheureux, a demandé des "sanctions très sévères" contre Michel Basset, du fait du "discrédit" porté à la profession. La place de Bordeaux compte 400 négociants, dont une quarantaine réalise 85% du marché. "Nous sommes dans un univers libéral, tout le monde a le droit de s'installer", souligne-t-on au syndicat des négociants, tout en conseillant aux acheteurs de se renseigner, avant toute opération, auprès des propriétés viticoles et des organismes professionnels. Car "il faut se méfier des prix trop attrayants", comme le souligne un négociant. Le procès de VPF et l'affaire de la CVB interviennent dans un contexte difficile pour les ventes primeurs bordelaises qui ont connu jusqu'à 30% de baisse cette année, après une spirale spéculative qui avait embrasé le marché depuis 1997. Les ventes "primeurs" permettent aux grands châteaux de commercialiser leur vin dès le printemps suivant les vendanges et de faire de la trésorerie, alors que les bouteilles ne sont livrées que deux années plus tard. Avec ce système spéculatif, l'amateur qui achète le vin encore en barrique et paye d'avance, participe au financement de l'élevage du vin, avec en contrepartie théorique, un prix moins élevé qu'à la mise sur le marché des bouteilles. Les ventes en primeurs dans le Bordelais concernent environ 5% du volume des Bordeaux mais 20 % en valeur. |